Site du 350ieme Squadron

Belges (Canal Albert Mai 1940)


 

A L'AUBE DU ONZE MAI, à 3 h. 15, ordre de faire tourner les moteurs.
A 3 h. 30 mission de bombardement suspendue et remplacée par deux missions de reconnaissance:
les bombes sonl décrochées, les moteurs mis en marche.'
Lorsqu'ils tournent, les missions de reconnaissance sont décommandées.

Les bombes sont raccrochées sous les ailes.
Les heures de départ sont fixées pour la mission de bombardement: 5 h. 45, 5 h. 50 et 6 heures.
Il s'agit de détruire les ponts du canal Albert qui n'ont pas sauté - « par suite de circonstances encore mal expliquées» dira le chef d'état-major dans son rapport:
Vroenhoven, Briegden et Veldwezelt .
Quelques-uns de nos aviateurs vont y accomplir un sacrifice sublime, mais ces trois noms ne pourront s'inscrire sur leur drapeau parce que Vroenhoven, Veldewezelt et Briegden ne sont point des noms de victoires.
Neuf équipages ont été désignés:
dix-huit hommes.
Pour eux l'aventure est périlleuse: la supériorité aérienne de l'adversaire est écrasante;
ce ne sont pas les six Gloster du capitaine Guisgand, commandés pour patrouiller dans ce secteur, qui pourraient les protéger efficacement, et la vitesse et l'armement des « Battle» sont tellement médiocres!
Aucun des dix-huit hommes n'hésite .
Pour éviter la chasse ennemie ils voleront en rase-mottes.



Je tiens à répéter leurs noms les voici , groupés par «pelotons» et par équipages, bombardiers:
Capitaine Pierre et lieutenant Cloquette, ,adjudant Vorbraecke et adjudant Dome, adjudant Timmernan et premier sergent Gustave Rolin, qui sont chargés de détruire le pont de veldwezelt ;

capitaine Glorie et sous-lieutenant Vandenbossche adjudant Binon et caporal Legand, adjudant Delvigne et sergent Moens qui attaqueront le pont de Vroenhoven;

adjudant Jordens et sergent de ribaucourt premier sergent Wieseler et adjudant De Coninck, adjudant Vandevelde et caporal Bergmans destinés au pont de briegden

4 officiers 14 Sous officiers et caporaux ...


Attaqnés par deux avions de combat allemands dans la région de Gand, Verbraecke reçoit quatre balles dans le dos et Dome a les mains fracassées; ils doivent atterrir.
Les bombes du capitaine Pierre et du lieutenant Cloquette défoncent la route à quelques mètres du pont de Veldwezelt. Timmermans et Gustave Rolin, pris ne chasse par trois avions ennemis, sont abattus et tués aux environs de Hasselt.
En 1918, Gustave Rolin était élève-pilote à l'école de Juvisy: l'armistice l'avait empêché de rejoindre une escadrille au front. Il tombait en accomplissant sa première mission de guerre, ayant insisté, lors de la mobilisation, pour être versé dans le personnel navigant.

Le second peloton est soumis au feu de la D.C.A. belge à Louvain et à Tirlemont.
Déjà en 1917, le 7 décembre, notre camarade Fernand Verhoustraeten fut descendu par une de nos mitrailleuses contre avion!
Les Allemands sont à Tongres: le feu de leur D.c.A. est plus intense et plus précis.
Les bombes de Binon et Legand rasent le parapet et tombent dans l'eau.
Au premier passage les bombes de Glorie et Vandenbosch, ainsi que celles de Delvigne et Moens ne se sont pas décrochées, le système de largage électrique étant probablement détérioré par le tir ennemi.
Au second passage, les deux avions sont abattus.
Seul, des deux équipages, Vandenbosch a pu sauter, mais si bas que, devant ouvrir son parachute alors qu'il est encore lancé à 400 kilomètres à l'heure, il a le thorax et trois vertèbres écrasés, puis un pied' fracturé, l'autre luxé et des contusions à la face en atterrissant brutalement.
Les bombes ont provoqué une brèche dans le parapet et enlevé quelques pavés de la chaussée.
Mon récit a toute la sécheresse d'un résumé.
Jean Delaet a fait valoir, très justement, l'héroïsme de ses camarades d'escadrille.
Je n'ai retenu que les faits brutaux.
Ce n'est pas le courage de ces aviateurs qu'il importe de prouver, c'est l'infériorité excessive des moyens mis à leur disposition.
Et ceci, puisqu'ils ont quand même tenté d'accomplir la mission réclamée, suffit à prouver leur cran.
Le troisième peloton subit également le feu des troupes belges: nos soldats et la D.C.A., constamment survolés, harcelés par l'ennemi, ne distinguent plus et tire indifféremment sur tout ce qui vole.
En octobre 1939, constatant la difficulté que le service de guet avait à identifier les avions dans le ciel et les erreurs qu'il
commettait, j'avais proposé au colonel de woelmont d'adopter pour les nôtres une formation caractéristique en vol ', de Woelmont n'avait pas compris - et toutes mes suggestions étaient d'ailleurs systématiquement écartées.
Entre Malines et Lierre, Bergmans est touché par une balle belge et saigne abondamment: sans défense arrière vandevelde, doit atterrir.
Jordens et Ribaucourt, dont l'avion est incendié par le tir de nos troupes, sautent en parachute.
Les bombes de , Wieseler et De Coninck ne se décrochent pas et leur avion est descendu.
De Coninck saute et se fracture le pied droit.
wieseler réussit à atterrir, train rentré, sur le fuselage - sur les bombes Le pont de Briegden n'a pas été bombardé.
Les Allemands n'occupant encore que la route briegden St. Trond, Wieseler et De Coninck, qui ont atterri entre briegden et Erp-Ia- Ville, ne sont pas prisonniers.

C'était une mauvaise utilisation du personnel et du materiel, par un commandement coupable, passif et inintelligent.
CETTE MISSION DEVAIT ÊTRE PROTÉGÉE dans la zone de travail, par la chasse.

A 3 h. 50, le colonel Hugon, grand tacticien, a demandé, de prévoir un peloton de trois Gloster pour exécuter une mission de protection dans le secteur Visé-Maeseyck: trois chasseurs pour un de 40 kilomètres ...
'1. h. 15 les détails en sont précisés.
1. h. 30 mission décommandée.
5 h. le colonel Hugon demande deux pelotons de trois gloster en protection directe, à partir de 6 heures dans le secteur, pour couvrir la mission de bombardement des trois ponts:
deux pelotons de chasse pour la protection directe de trois pelotons de bombardement opérant indépendamment en trois points différents ...
Aussi le contact ne sera-t-il jamais établi entre les ( Battle» et les Gloster chargés de leur protection directe, ce qui coûtera la vie à l'équipage Timmermans-Rolin.
Hugon s'imaginait-il avoir la maîtrise de l'air avec six Gloster ?
L'état-major du régiment de chasse enregistre cet ordre inexécutable et le transmet au major Hendrickx, commandant du 1er groupe, qui ne soulève aucune objection.
Altitude prévue pour les avions de protection : 900 mètres.
Le premier peloton décolle du terrain de Beauvechain à 5 h. 35; le deuxième à 5 h. 47.



En arrivant dans le secteur, ils sont attaqués par des avions de chasse Messerschmitt; les équipages, aussitôt séparés, se perdent de vue.
Le capitaine Guisgand, dont l'avion est touché, doit atterrir en campagne près de Waremme.
Le sergent Clinquart est descendu en flammes.
Le sergent Pirlot est tué.
Le 1e sergent Rollin, après avoir abattu son adversaire , doit sauter en parachute, son avion étant désemparé; il atterrit près de la frontière où les soldats d'un poste belge le ligotent et l'enferment dans une cave:
il y sera découvert par les Allemands qui l'enverront en Allemagne.



L'armée belge a toujours ignoré l'aviation et négligeait d'apprendre aux recrues les caractéristiques de notre uniforme. Depuis que furent créés les régiments flamands et wallons, les soldats flamands ne peuvent plus distinguer la langue française de la langue allemande  ?????? , mais comment Rollin n'a-t-il pas pensé à jurer en flamand: tous les Belges en sont capables et un juron sonore vaut bien un mot de passe.

Deux avions sur six rentrent au terrain de campagne de Beauvechain: l'escadrille compte deux morts, un prisonnier,
D'après Jean Delaet.
Aucune victoire des nôtres ne fut malheureusement homologuée officiellement, et pourtant elles furent acquises en territoire belge et auraient pu être contrôlées.

Quatre avions hors de combat.
Il faut ajouter ces pertes au bilan de l'expédition de bombardement des débouchés de Maestricht, dont le résultat fut nul: le matériel a prouvé son infériorité et le commandement son insignifiance.
La responsabilité des chefs est grande.
Il n'y a pas tant de différence entre un homme qui n'a rien fait et un homme qui a mal fait.
Mais nous n'aurons pas d'enquête à ce sujet; le désastre complet a sauvé les coupables.
D'après le major Piot, un des trois ponts est détruit par un bombardier lourd britannique .
Au prix d'efforts héroïques, le 2e Carabiniers reprend le pont de Briegden que nous pouvons alors faire sauter. (Cf. Relation officielle des événements I939-I940, citée précédemment).
Il ne sera plus demandé de mission de bombardement à l'aviation belge.

extrait du livre Hélice en Croix (Willy Coppens 1943) Edition du Rhone Geneve 1945
(Illustrations Photos Bibi et "Nos ailes 1973")